Les épidémies dans le golfe de Saint-Tropez (3/3)
Novembre 2021 • par Bernard ROMAGNAN, vice-président du Conservatoire
Lire la partie précédente : Les épidémies dans le golfe de Saint-Tropez (2/3)
Toutes sortes d’épidémies
Au cours des siècles passés, les périodes épidémiques ne sont pas toutes dues à la peste jusqu’à la fin du XVIIe siècle ou au choléra au XIXe. Ces pandémies ont été particulièrement spectaculaires car elles ont imposé des quarantaines. Pourtant les habitants de nos terroirs étaient régulièrement soumis aux épidémies de grippes, varicelles, dysenteries et autres maladies virales et infectieuses. Lorsqu’on parcourt les registres d’état civil de ces périodes il est frappant de constater que parfois, d’une manière soudaine, le rythme d’enregistrement des décès s‘accélère. Le prêtre chargé de ce travail laisse tomber les formules administratives habituelles pour se contenter d’inscrire, de façon lapidaire, les seules informations utiles : le nom et la date de la disparition du défunt. A Saint-Tropez, au cours de l’été 1637, d’un mois à l’autre, soudainement, le nombre des décès doubla et toucha toutes les tranches de la population. Les textes ne nous donnent aucune explication. Curieusement la communauté envisagea de consulter un avocat à propos du contrat d’arrentement du fermier de la boucherie. Le conseil pensait que le boucher ne faisait pas bien son travail car il ne disposait pas de suffisamment de viande de mouton : « ce quy cause la mort à beaucoup de malade qu’il y a en ce lieu, qu’à faulte de cher ne peuvent faire de bouilhons ». La viande de chèvre et de menoun, bouc châtré, était alors la viande la moins onéreuse et la plus couramment consommée dans Le massif des Maures. Le mouton était réservé aux personnes plus riches et aux malades pour leur confectionner un bouillon censé les guérir. La cause de la mort de ces Tropéziens est très certainement à imputer à une dysenterie ou à une autre maladie virale.
Les passe-droits du seigneur de Saint-Tropez
Au cours de l’hiver de 1629-1630, la communauté s’organisait depuis plusieurs mois « pour la conservation du lieu en cas d’épidémie ». En février, la situation semblait particulièrement critique puisque le conseil de la communauté renforça la protection de la cité avec le recrutement d’une cinquantaine d’hommes supplémentaire et l’installation d’une garde maritime aux Canebiers. C’est le moment que choisit le seigneur de Saint-Tropez pour faire décharger des marchandises d’un bateau en quarantaine venu de Marseille, sans la présence d’un intendant de santé « uzant de plusieurs injures et menasses ». Le seigneur ordonna même de faire débarquer des soldats armés de sa galère au grand dam des édiles tropéziens. Les consuls entamèrent tout de suite des poursuites contre Monsieur de Saint-Tropez, sa dame et ses frères. Ils en informèrent, Monsieur de La Forêt, lieutenant du gouverneur, commandant de la citadelle qui ordonna d’armer des habitants pour empêcher cette opération pouvant mettre en danger la communauté toute entière.
Les discordes entre Saint-Tropez et Sainte-Maxime
En 1470 à Saint-Tropez, lors de la refondation de la cité et la signature des lettres patentes entre le seigneur et la communauté, les « manants et habitants » de Saint-Tropez obtenaient certains privilèges en échange de la protection de leur cité mais aussi des communautés du Freinet. Le Freinet était alors une entité géographique, administrative et politique médiévale qui comprenait approximativement tous les terroirs de l’actuelle communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez. Ainsi en 1580, le conseil tropézien demanda-t-il à toutes les villes de la baronnie, c’est-à-dire du Freinet, de refuser l’entrée des étrangers. En 1587, il s’agissait de s’entendre avec les communes du golfe « pour se garantir de la peste du Luc et de Lorgues ». La seigneurie de Sainte-Maxime était alors un terroir déserté et Saint-Tropez devait en assurer directement la protection en y installant des guetteurs en cas de guerre ou d’épidémie. La vigilance et participation tropézienne fut constante tout au long de l’Ancien régime et cela occasionna de nombreux frais. Les consuls voulaient obtenir un remboursement auprès des seigneurs de Sainte-Maxime, c’est-à-dire, de l’abbé et des moines de l’abbaye du Thoronet. En vain, les procès, arrêts du parlement de Provence et autres démarches administratives ou judiciaires semblent ne pas avoir fait plier l’abbaye. On comprend pourquoi les édiles tropéziens étaient remontés contre les seigneurs de Sainte-Maxime.
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