Des mineurs étrangers à la Garde-Freinet
Juin 2018 • par Albert GIRAUD, membre du conseil d'administration du Conservatoire
Le sous-sol de La Garde-Freinet et du Plan-de-la-Tour est un véritable conservatoire géologique où les minerais métalliques en particulier sont nombreux. Ces filons, surtout ceux du plomb argentifère, ont fait l’objet au cours des siècles d’une exploitation industrielle, bien entendu tributaire des moyens matériels de leur époque.
En raison de la variation des besoins en métal, de la rentabilité peu sûre des exploitations, et aussi de leur caractère spéculatif, ces activités minières sont marquées par la discontinuité. Des mines s’ouvrent puis s’arrêtent pour longtemps avant d’être reprises par de nouveaux investisseurs.
Le milieu du XVIIIe siècle fut dans nos communes un moment d’intense activité minière, lorsque le seigneur du lieu, Jean de Giraud d’Agay décida de créer une société d’actionnaires, la Compagnie des mines de Provence et de diriger l’entreprise lui-même en association avec un Anglais expert en mines, Martin O’Connor.
Trouver des filons intéressants, construire des bâtiments et des fonderies, tout cela ne peut fonctionner qu’à condition de trouver du personnel compétent. Or la région à l’époque en est totalement dépourvue. On va donc tout naturellement faire appel à des ouvriers étrangers catalans, anglais, allemands –ou du moins étrangers à la région comme les Alsaciens- détenteurs de » secrets « , on dirait aujourd’hui de technologies.
Ces mineurs, ouvriers très qualifiés, ont laissé quelques traces dans les archives ou l’état-civil de nos communes, et pour certains peuvent être identifiés.
Le premier dont on conserve la trace est un Catalan : Joseph Ribot de Barcelone, expert en fonderie, puisque la communauté profite de son séjour pour lui faire fondre une cloche de 10 quintaux 67 livres (426, 80 kilos). Le conseil municipal dans sa délibération du 11 décembre1735 lui alloue pour cela la belle somme de 300 livres (BB 17 f° 954).
Le second fait partie de la quinzaine d’ouvriers anglais « très entandus » que Martin O’Connor avait fait venir pour travailler aux mines de Vaucron : Joseph Joen ou Jones – les Gardois du temps n’arrivant pas à orthographier ce patronyme imprononçable pour eux. Il est dit « maître myneur et rafineur des Mynes de Provence » et il sait signer son nom. Or ledit John avait séduit une jeune ouvrière chargée du lavage du minerai, Anne Preire, et après la naissance d’un enfant naturel, fut poussé à » régulariser » la situation en l’épousant. Ce qu’il fit après avoir bien sûr fait l’abjuration de sa religion schismatique. Mais après la naissance d’un second enfant le couple dut quitter la région après la fermeture des mines de Vaucron vers 1740 et l’on perd sa trace.
Le troisième est Valentin Rick (ou Reck ou Rik, là encore les scribes hésitent) né a Sainte- Marie –aux-Mines, » diocèse d’Estrasbourg « , dont on sait qu’il est venu en Provence à l’âge de seize ou dix-sept ans et qu’il travaille en 1752 » aux mines de Monsieur le marquis du Cannet « . Assez instruit pour l’époque il sait signer lui aussi. Il épouse cette année-là Claire Bence, une veuve assez aisée semble-t-il, de dix ans de plus que lui, mais enceinte de ses œuvres, après avoir fait lui aussi dans l’église paroissiale » son abjuration de la religion prétendue réformée « .
La particularité la plus intéressante de Valentin Rick, à la différence des deux précédents, c’est qu’il s’est installé solidement à la Garde-Freinet et y a fait souche. Le couple eut trois enfants et de très nombreux petits enfants qui tinrent par la suite une place importante dans la vie du village. Nombre de gardois actuels se savent les descendants de ce mineur venu d’Alsace.
Un dernier mineur est attesté vers la fin du siècle : Gaspard Scherieb, mineur originaire lui aussi de Sainte-Marie-aux-Mines, qui fait baptiser à La Moure le 15 janvier 1773 sa fille Marguerite Eugénie. En effet il a l’originalité d’être venu en Provence avec son épouse Marie Anne Saguine, originaire du même village d’Alsace.
Les mines de La Garde-Freinet vont entrer en sommeil pendant la Révolution et l’Empire. Elles reprendront leur activité au siècle suivant avec la Révolution industrielle, et là encore on fera appel à des mineurs étrangers, des Italiens cette fois-ci, dont nous raconterons l’histoire plus tard.
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