Le 11 septembre 1862, Blandine Ollivier, fille aînée du grand musicien Frants Liszt, épouse de l’homme politique E. Ollivier meurt en son château à l’âge de 27 ans
Mai 2017 • par Gérard ROCCHIA, historien local
« 11 septembre 1862. Saint-Tropez. Mon cher Liszt, mon bonheur est détruit pour jamais, Blandine est morte ce matin. Aimez-moi et plaignez-moi. » C’est en ces termes que le grand musicien apprend par son gendre, Émile Ollivier, la mort de sa fille ainée, Blandine, qu’il a eu hors alliance officielle avec la comtesse Marie d’Agoult. Deux autres enfants naquirent de cette romance passionnelle. Cosima qui épousa en secondes noces Richard Wagner et Daniel qui mourut à l’âge de 20 ans.
Blandine rencontre Émile cinq ans plus tôt au cours d’un voyage commencé à Genève et qui se poursuit en Italie jusqu’à Florence. Elle est alors accompagnée de sa mère, avec laquelle Émile Ollivier est en relation depuis longtemps, alors que lui part rejoindre son père, Démosthène, exilé politique du 2 décembre 1851. Quelques jours avant son départ, le 4 août 1857, il écrit dans son journal : « (…) Seul, toujours seul. Le fardeau est quelques fois lourd à porter, ce soir mon cœur est dans la détresse. » Elle sera de courte durée, car très vite, ce fringant jeune homme de 32 ans, avocat et député, homme politique en vue, va tomber amoureux fou de cette belle jeune-fille de 21 ans. Blandine est elle aussi subjuguée par cet homme d’une grande culture, d’une éloquence envoûtante et d’une gentillesse naturelle. Seule Marie d’Agoult est contrariée par la tournure d’un événement qu’elle n’avait pas prévu et qui lui échappe. Elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour brouiller les deux amoureux, en vain. Émile est bien décidé à l’épouser, mais il lui faut l’accord de Frantz Liszt. Le 3 octobre, il lui demande son consentement par courrier : « (…) Je l’aime profondément, non seulement parce qu’elle est charmante, pleine d’intelligence, de grâce et de bonté, mais surtout parce qu’elle a une âme haute, noble, tournée vers ce qui est généreux (…). » La réponse ne se fait pas attendre et Liszt donne son consentement sans réserve. Émile est fou de joie, il annonce le mariage à son amie madame Manet en ces termes : « (…) Je l’épouse parce qu’après avoir passé douze jours avec elle, je me suis aperçu que je l’aimais, qu’après en avoir passé trente, j’ai été convaincu que je l’adorais, et qu’après un mois et demi, je vois que je ne puis plus vivre sans elle (…). »
Le mariage est célébré en toute intimité à Florence, le 22 octobre, date anniversaire de la naissance de Liszt. Le voyage de noce se fera par un lent retour vers Paris, où Émile retrouve l’arène politique et Blandine ses nouvelles habitudes d’épouse. Mais le couple rêve d’un nid douillet pour y élever une petite famille ardemment désirée : « Depuis longtemps j’ai le projet de me créer,quelque part dans une solitude, un nid où mes enfants puissent passer leurs jeunes années (…). Je désirerais que ce lieu fût situé en bord de mer, dans le département du Var (…). Dans le Var j’avais toujours eu un penchant pour le golfe de Saint-Tropez ;aussi est-ce de ce côté que j’ai prié mes amis de diriger leurs investigations. M. Raibaud de Cogolin, chargé de cette affaire, a trouvé près de Saint-Tropez une petite habitation de six hectares dite château des Salins, dont le propriétaire M. Martin de Roquebrune en demande vingt-trois-mille francs (…). ».
Le 27 février 1861, Émile et Blandine deviennent propriétaire de ce domaine que l’on connait aujourd’hui sous le nom de « Château de la Moutte ». L’année suivante, Blandine, enceinte, quitte Paris où sévit une épidémie de fièvre puerpérale. Elle accouche, le 3 juillet, chez sa belle-sœur à Gémenos, sa grand-mère, Madame Liszt,faisant fonction de sage-femme. Sitôt libéré de ses contraintes politiques, Émile rejoint sa femme et son fils,prénommé Daniel, et ramène toute sa petite famille à Saint-Tropez, dans ce nid douillet préparé à cet effet.Malheureusement, alors que la maman semblait se remettre parfaitement de cette épreuve, apparaissent les premiers symptômes d’un état général qui se dégrade de jour en jour. Insomnies, impossibilité de manger,suffocations, perte de forces, exaltation fiévreuse effrayante alertent Émile qui se confie à Frantz Liszt. Mais ce mal sournois évolue inexorablement et très vite. Le 11 septembre à 6 heures, alors que le temps a été jusque-là magnifique, le ciel s’obscurcit rapidement se transformant en un violent orage. Au moment ou Blandine expire,un énorme éclair illumine son visage habité par la mort. Écrasé par la douleur, Émile écrit ces quelques lignes : « Mort de ma bien-aimée. Avec elle finissent mes années heureuses. Mon bonheur est détruit à jamais. ». Émile a beaucoup de mal à se remettre de cette perte, mais quelques années plus tard il rencontre une nouvelle jeune fille qui lui redonne ce bonheur perdu ainsi qu’une belle famille dont il profite jusqu’à sa mort en 1913. Aujourd’hui Blandine dort à jamais au bord de cette mer dans le cimetière marin de Saint-Tropez, alors qu’Émile repose dans sa propriété, sur son rocher face à la mer, tel Chateaubriand.
Pour aller plus loin
Les citations sont tirées de :
– OLLIVIER Émile, Journal, t. I (1846-1860), t. II (1860-1869), Julliard, Paris, 1961.
– ROCCHIA Gérard, L’histoire oubliée, Jouve Print Services, Mayenne, 2014.-
– BORTOT Julia, « Découverte le temps d’un inventaire : la bibliothèque d’un honnête homme du XIXe siècle, Émile Ollivier (1825-1913) », Freinet-Pays des Maures, n°4, 2003, p. 43-53.
– http://www.conservatoiredufreinet.org/PDF/Revues/REVUE-4-emileollivier-Bortot.pdf
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