Le fruit du mûrier
Juin 2016 • par Laurent BOUDINOT, directeur du Conservatoire
On a l’habitude d’évoquer le mûrier (amourié en Provençal) pour ses feuilles, tant elles sont associées à l’élevage des vers à soie. C’est d’ailleurs dans le but de développer cette activité qu’a été importé en France, via l’Italie, cet arbre exotique originaire d’Asie, surtout à partir du XVIIe siècle. Bien que la sériciculture ait été abandonnée depuis bien des années, les mûriers sont encore présents dans nos paysages, bordant certains chemins ou allées de bastides, en périphérie de vignes ou à proximité des maisons. Mais, ayant perdu leur intérêt économique, ils tendent à disparaître, sauvés parfois par l’ombrage qu’ils apportent.
Mais intéressons-nous à son fruit, récolte mineure quelque peu délaissé ou ignoré dans la tradition locale. Il mérite qu’on s’y attarde davantage.
Le mûrier blanc
Si la mûre du mûrier n’a pas une grande renommée, c’est parce que, dans le Var, on rencontre principalement des Mûriers blancs (Morus alba), espèce largement préférée pour la sériciculture : de croissance plus rapide et réputée meilleure pour l’élevage des vers à soie que le Mûrier noir.
Et son fruit (qui peut être de couleur blanche, jaune, rose, mais aussi noire), bien que sucré à maturité, est beaucoup moins parfumé et plus fade que le fruit du Mûrier noir (dont la couleur est noire ou rouge foncé). Néanmoins, certains » anciens » de nos villages rapportent qu’en des temps où les fruits ne circulaient pas autant et ne se trouvaient pas aussi facilement qu’aujourd’hui, on ne dédaignait pas se régaler de cette production secondaire et gratuite.
Hormis cet exemple, il n’existe pas localement, à ma connaissance, de tradition culinaire, comme il peut y en avoir ailleurs dans la région méditerranéenne (si des lecteurs ont des informations à ce sujet, nous serons heureux de les recueillir).
Pourtant, aujourd’hui, on montre pour ce fruit un intérêt certain ; on trouve notamment à la vente des mûres blanches séchées, dont on vante les vertus toniques et stimulantes, pour leur teneur en fer, en vitamine C et en antioxydant.
Sur la fructification du Mûrier blanc, lire l’article de l’association« Fruitiers rares ».
Le Mûrier noir
Il en va autrement du fruit du Mûrier noir (Morus nigra), introduit du Moyen-Orient beaucoup plus tôt en Europe que le Mûrier blanc. Il est inscrit dans la pharmacopée depuis l’Antiquité pour ses vertus astringentes, laxatives, pour lutter contre les maux de gorge, etc. Il est également présent dans la culture méditerranéenne comme aliment, consommé frais ou séché, sous forme de sirop ou en confiture. Il était, paraît-il, planté à proximité des poulaillers, car le fruit était très apprécié des volailles.
Pour distinguer le mûrier noir du mûrier blanc, cliquez ici.
D’autres espèces à fruits savoureux
D’autres espèces de mûriers présentent des fruits aux qualités gustatives, comme le Mûrier platane (Morus Kagayamae),originaire du Japon. Bien qu’il ait des fruits délicieux, on plante le plus souvent, pour l’ombrage qu’il procure, une variété sans mûre pour éviter de tacher terrasses ou voitures. Citons encore le Mûrier multicaule (Morus multicaulis),originaire de Chine ou le Mûrier rouge (Morus rubra),provenant d’Amérique du Nord, dont les variétés sont autant de promesses gustatives.
Un pépiniériste ayant une très belle collection de mûriers : Frédéric Cochet
Si ailleurs des études ont permis d’identifier des cultivars (variétés locales), à ma connaissance, aucune étude n’a été réalisée dans le Var. N’ayant plus d’intérêt économique, l’arbre est menacé et disparait progressivement devant l’extension urbaine, notamment, ou par simple abandon. Il mériterait d’être étudié et préservé. Et si sa feuille n’est plus un argument, peut-être son fruit saura-t-il séduire les papilles et contribuer à le sortir de l’oubli.
Sources :
– Une conférence sur « Le Mûrier, de la Chines aux Cévennes », de Jean-Paul Roger, ancien responsable du Conservatoire botanique de Porquerolles.
– Lieutaghi (P.), Le livre des arbres, arbustes et arbrisseaux, Editions Actes Sud.
– Fattori (Y.), La soie de la graine au tissu, la sériciculture dans le Var, Société Nouvelle Imprimerie Dracénoise, 1989.
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