Le lierre des poètes
Mars 2014 • par Mélanie ROBEAU, animatrice du Conservatoire du Patrimoine
Sur l’écorce des arbres, le long des murs… Le lierre grimpe partout où il trouve support à ses crampons et peut atteindre jusqu’à 30 m de long, si bien qu’avec son feuillage, il recouvre parfois des murs entiers dont on oublie l’existence. L’espèce la plus répandue est le lierre commun, Hedera helix.
En Orient comme en Occident, le lierre est vite devenu le symbole de l’attachement affectif et de la fidélité, voire de l’amour étouffant. Une devise lui est associée : « Je meurs ou je m’attache« . On le considère d’ailleurs à tort comme l’égal du gui, un parasite qui se nourrit de la substance des arbres à leurs dépens et qu’il faut détruire.
Pourtant, cette liane aime s’agripper aux écorces rugueuses, comme celles des chênes, uniquement pour s’élever vers la lumière ! D’ailleurs, lorsqu’elle ne trouve pas de tuteur, on peut également la retrouver au ras du sol sous forme de vastes tapis.
Le lierre joue un rôle très important dans l’équilibre de la biodiversité. Avez-vous déjà remarqué qu’il est en fleur à la saison où toutes les autres plantes s’apprêtent à entrer en dormance ? Plante mellifère, elle permet aux abeilles de compléter leurs provisions d’hiver et une abeille solitaire, l’abeille du lierre (Colletes hederae), lui est directement liée.
Les fruits, de petites baies noir bleuté et toxiques pour l’homme, se forment dès le mois de janvier et régalent de nombreux oiseaux, tels que les grives, les merles et les pigeons ramiers, alors que les autres graines se font rares à cette saison. Le feuillage du lierre sert également de refuge à de nombreuses espèces. Les oiseaux n’hésitent pas à venir y dissimuler leur nid tandis que le citron (Gonepteryx rhamni), un papillon, s’y camoufle pour passer l’hiver.
C’est donc un véritable réservoir de biodiversité !
Désormais, lorsque votre regard se posera sur cette liane, vous saurez saisir toute la poésie qu’elle recèle dans ses feuillages. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que, dans l’Antiquité, les poètes grecs et romains les plus méritants se couvraient de lierre !
Utilisations : Le lierre a des propriétés tinctoriales reconnues depuis longtemps. Une fois écrasées, les baies bleues-violettes peuvent être utilisées pour teindre la laine en violet. Ajoutez un peu de cendre à la décoction et vous obtiendrez un beau vert ! Quant à la sève, récoltée au printemps, elle prend une couleur rouge en cuisant et servait à colorer les peaux de chèvres ou de moutons. Dans le Midi, on fabriquait également de la « lessive de lierre », qui ravivait les étoffes noires.
Références bibliographiques :
RENAULT J-M., La garrigue grandeur nature
RAMEAU, MANSION, DURRIO, GAUBERVILLE, Flore forestière française, guide écologique, tome 3, région méditerranéenne
SCHAUENBERG, PARIS, Guide des plantes médicinales
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