Les dangers d’être consul sous l’Ancien Régime dans le sud-est varois
Août 2022 • par Bernard ROMAGNAN, vice-président du Conservatoire
Actuellement, les conseils municipaux sont installés dans les villes et les villages de notre pays. Les maires, élus les plus exposés, se posent légitimement la question de leur responsabilité juridique en tant que premier magistrat.
Dans le golfe de Saint-Tropez, sous l’Ancien Régime, les dettes communautaires (dues au trésor royal ou aux particuliers) sont sources de tracas, voire de risques d’emprisonnement pour les consuls et trésoriers des communautés.
Les périodes de crises
Les guerres de Religion de 1559 à 1598 ou la guerre de Trente Ans de 1618 à 1648, sont des décennies particulièrement difficiles pour ceux qui gèrent les budgets. D’autant qu’aux inévitables dépenses dues aux guerres (défense des villes, armements des milices locales, hébergement et subsistance des troupes sur place, etc.), se rajoutent les frais occasionnés par les mesures à prendre pour se protéger des épidémies de peste. Ainsi, lorsque le pouvoir royal réclame des impôts, les consuls essayent de retarder l’échéance, de demander des abattements et même l’annulation pure et simple des sommes imposées. Les communautés, déjà fortement endettées, se retrouvent dans une spirale infernale et empruntent continuellement pour rembourser les emprunts précédemment contractés. Mais l’administration royale ne l’entend pas de cette oreille et ses agents, particulièrement zélés, jettent purement et simplement les consuls ou leurs représentants en prison.
Les Tropéziens, considérant que la ville est terre de privilège, contestent ou entament des procès contre les trésoriers du Roi pour les taxes qui leur sont réclamées en temps de guerre. En 1554, le consul Jacques Cauvin séjourne plusieurs mois dans les prisons de Draguignan pour cette raison. Souvent, le conseil nomme des personnes, probablement d’anciens conseillers, pour se rendre à la place des officiers communautaires pour discuter ou régler les impôts demandés.
Un danger réel
Pour autant, le danger est réel. En 1567, il est prévu qu’un homme accompagne les consuls qui vont à Aix, au cas où ils seraient emprisonnés. En juin 1594, devant la réticence des députés, les consuls se rendent eux-mêmes auprès du duc d’Epernon à Brignoles pour demander l’annulation des charges de la subsistance des soldats de la citadelle. À cette occasion, les consuls Gaspard Cauvin et Charles Antiboul sont pris en charge des pertes occasionnées par leur emprisonnement, mais pas en cas de mort ! C’est pour cela que le conseil intervient à plusieurs reprises auprès du gouverneur de Provence pour faire exempter la communauté de charges ou intercéder pour la libération des personnes incarcérées. Les créanciers privés sont également susceptibles de provoquer de telles mesures de rétorsion.
En 1594, Charles Antiboul, voit son vaisseau bloqué à Marseille à cause des créances dues par la communauté à d’Isabeau Serre. A partir de 1597, les sommes en souffrance auprès du Génois Thomas Oneto, vont empoisonner la vie du conseil tropézien pendant huit ans et entraîner des représailles dans le port de Gênes. En 1597, 1601 et 1605, les mariniers de la barque de patron Paulin Martin sont séquestrés, puis plusieurs bâtiments de patrons tropéziens.
La Garde-Freinet, Grimaud et Cogolin
Il faut bien sûr imaginer que ce fâcheux phénomène touche toutes les communautés. En 1580, Jean Clément, seigneur de La Garde-Freinet en fait la triste expérience. À peine élu, le 1er consul de la ville de Fréjus est incarcéré pendant plus de trois mois pour ne pas avoir honoré les dettes communales. À Grimaud, en 1604, Étienne Bregonsul passe plus de 5 mois dans les prisons de Draguignan, à la suite des plaintes de Lucresse d’Antiboul qui exige le remboursement de l’argent prêté à cette commune. En 1608, le tisseur à toile Antoine Nadal, né à Grimaud, mais habitant Cogolin, « estant allé à Aix pour ses afferes et négocier, il seroit esté fait et constitué prisonnier pour debtes dues par la communauté de Grimaud. »
Finalement, si la vie des élus d’aujourd’hui apparait parfois difficile, celles des consuls des siècles passés n’était pas un long fleuve tranquille !
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