Les noms de lieux liés à la nature du sol
Janvier 2011 • par Elisabeth SAUZE, archiviste paléographe
Dans la description que nous propose la toponymie, la nature du sol tient une place à la mesure de l’intérêt qu’elle présentait pour les générations d’agriculteurs et d’éleveurs qui ont, simultanément, façonné nos paysages et forgé les noms qui les désignent. C’est dire qu’il ne faut pas attendre ici une analyse, même sommaire, des phénomènes géologiques, mais des notations ponctuelles qui traduisent la plus ou moins grande capacité des lieux à fournir aux usagers ce qu’ils en attendaient.
L’adjectif aigre = âpre, infertile a donné son nom au quartier de l’Aigre (1613, sur les confins de Vidauban) et à son homonyme du Plan-de-la-Tour (1566, près des Vernades).
La même notion, peut-être jointe à la difficulté d’accès, est à l’origine de l’appellation du Val d’Enfer (1613, entre le Camp de la Suyère et Pignegut).
La pierre, omniprésente, est assez rarement signalée. On ne trouve, à la Garde-Freinet, aucun dérivé de plusieurs termes couramment utilisés dans des terroirs plus favorisés comme lou codou= caillou, lou grès = terrain graveleux, la lauvo ou lauso = pierre plate ou son synonyme la lèco. Un seul dérivé de peiro = pierre : le Paireguier (1715, au quartier de Camp-Vif) du provençal peireguié = terrain couvert de pierres.
Le mot clapié désigne aussi bien un éboulis naturel qu’un tas de pierre construit par la main de l’homme, résidu de l’épierrage d’un champ ou borne de propriété. Dans le contexte gardois, le second sens paraît plus probable dans les deux toponymes forgés sur ce terme : les Clapiés (1613, au quartier de Camp Long) et lou Clapier du Preyeur (1613, non localisé).
Son caractère parfois spectaculaire a assuré à la roche en place une meilleure représentation : les Roches Blanches, crête riche en filons de quartz blanc, est indiquée par la carte de l’I.G.N. ; mais la Roche (1613 au quartier des Vernades), la Roque Trauquade (= la roche percée, 1715, dans le haut du village), la Roco de l’Eure (1550, dans le vallon de Vanadal) et la Roche du Draq (1715, non localisé) ne semblent plus connues aujourd’hui, de même que le Rocher Blanq (1715, au quartier du Bramadou), le Rocher des Extelles (1715, entre les vallons du Débat et de Vanadal) et le Rocquas de Moustiers (1613, au quartier de Val Verdon). Tous ces noms ont pour origine le provençal roco , traduit par le français roche, et son dérivé roucas, traduit par le français rocher.
Le schiste friable qui forme l’essentiel du substrat rocheux est peu favorable à la formation de grottes naturelles ou artificielles. De fait, une seule baumo = grotte est signalée à la Garde-Freinet : la Baume (1613, à l’ouest du Fort Freinet, cavité dont la fouille a mis au jour des sépultures préhistoriques).
C’est probablement à l’abondance toute particulière du mica que deux toponymes dérivés du provençal belugo = étincelle doivent leur crétion : le Prat de Belugue (1613, au quartier du Rut, sous Camp Long) et le Vallon du Beluguier (1715, au quartier de Colle Dure, sur la limite du Plan-de-la-Tour).
On notera pour finir l’unique attestation du sable à l’Arenas (1715, vallon qui descend au nord du village), dérivé du provençal areno = sable.
Hormis les adrets et les ubacs signalés au chapitre du relief, les caractères climatiques ont été peu productifs dans la toponymie locale. Le vent, provençal auro, souffle partout, mais plus particulièrement à Toutaure (1815, colline qui domine le hameau des Plaines) et à l’Ubaq de Tranquelaure (1715, dans le vallon des Neuf-Riaux, dont presque tout le versant nord peut répondre au signalement de » fends le vent « ).
Le froid a motivé l’appellation du cours inférieur du torrent qui descend le vallon du Débat, au pied du versant nord du massif : le Valat du Classon = du glaçon (1815).
Le quartier de la Nible (1715) porte bien son nom, formé sur le provençal nible = brouillard, car il est situé dans la dépression permienne, souvent brumeuse.