Les noms de lieux liés à l’habitat Partie I : l’habitat groupé

Octobre 2011 • par Elisabeth SAUZE, archiviste paléographe

Le coin des toponymistesHabitat

En Provence, plus que partout ailleurs sur le territoire actuel de la France, l’habitat a été, dès l’Antiquité tardive, regroupé en agglomérations, le plus souvent (il y a quelques exceptions, mais on n’en trouve pas dans le massif des Maures) perchées sur un relief, toujours denses (les maisons sont jointives) et entourées d’une enceinte de murs et/ou de fossés. Les textes médiévaux emploient à leur égard le mot latin castrum, qui n’a survécu dans l’usage populaire que sous la forme du diminutif castèu (en français château), dont le sens s’est ensuite restreint au seul édifice, la demeure seigneuriale, qu’il désigne aujourd’hui. IL n’y a, dans le Freinet, aucun toponyme formé avec castrum ou castèu, mais il en existe quelques-uns dans le département (Châteauvert, Châteauvieux) et dans le reste de la Provence (Châetaurenard, Châteauneuf etc.). Le mot latin villa, conservé dans le provençal vilo et le français ville, était aussi employé pour désigner plus spécifiquement l’ensemble – quelle que soit son importance – des habitations paysannes regroupées sous le château seigneurial. Ce terme, sous sa forme francisée  » ville  » est appliqué dans de nombreux cadastres des XIXe et XXe siècles à la section où figure de chef-lieu de la commune, de préférence au mot français  » village « , qui n’a pas d’équivalent en provençal. On le rencontre aussi appliqué aux sites de plusieurs habitats désertés, dont le nom a été oublié ou repris par un autre habitat plus récent. C’est le cas de Ville-Vieille à la Garde-Freinet, site du village médiéval de la Moure, sur la colline qui domine au sud-est le hameau actuel (1815). A Gassin, le quartier de Ville Vieille (Villam Veterem en 1403) contient les vestiges d’un habitat antique. La Ville Vieille de Ramatuelle (1548) correspond à un petit castrum abandonné avant le XIIIe siècle, dont le nom reste inconnu. Celle de Saint-Tropez (Villa Vielha en 1404) désignait l’agglomération médiévale (sur le site actuel de la citadelle) désertée lors du repeuplement du lieu en 1470 au profit du port actuel.

Notons encore le diminutif vileto, probablement appliqué aux vestiges d’un habitat antique sur les confins de Gassin et de Ramatuelle, dont le toponyme actuel, Rogon de la Valette, nous a transmis le souvenir ; sa forme actuelle résulte de la mauvaise compréhension du provençal regoun = ruisseau et de Vilette, nom du quartier attesté depuis 1516 (Vileta) jusqu’en 1763 (les Vilettes).
Dans plusieurs autres toponymes composés, villo sert de déterminant pour marquer tantôt la localisation, tantôt l’appartenance : La Font de la Ville (1637) désigne à Grimaud une source captée sur la colline au nord du village et amenée jadis par un aqueduc jusqu’au village ; le Puis de la Ville (1607), à Saint-Tropez, était situé dans l’actuelle rue Gambetta, en face l’église Notre-Dame-de-la-Miséricorde ; on appelait à Ramatuelle Rial de la Ville ( Rivus Ville 1447) le ruisseau et le vallon en contrebas du village ; à la Garde-Freinet, la Rouière de la Ville (1715) était un bois communal situé entre les quartiers de Refren et de Miremer.

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